Révélation

Publié le par Phil Deckard

Il s'agit d'une micro-nouvelle.

 

J'avoue m'être fortement inspiré d'un certain film pour transformer l'un de ses passages en une version uchronique.

 

Titre : Révélation

 

Sous-genre : Uchronie

 

Auteur : DELAY Philippe

 

Pour une fois, nous patientons calmement, attendant l’arrivée de l’imperturbable infirmière en chef. Je constate que nous sommes deux de moins que la semaine dernière mais nous adoptons toujours la même disposition des chaises et gardons les mêmes places. Vous voyez, nous sommes tout de même soignés, enfin je le suis, plus exactement. Toujours le dos droit, les mains posées sur les cuisses et les pieds joints tel un enfant sage. Il y a cette lumière aveuglante qui se réfléchit sur les murs blancs de la pièce, donnant un teint particulièrement blafard à mes voisins.

Voilà l’infirmière en chef. J’aime ce mot « chef », mais aussi l’image que renvoie Mademoiselle Kruger, la trentaine, blonde platine aux yeux bleus. Coiffée d’un serre-tête, elle a les cheveux attachés serrés en chignon, l’air strict, ne se laissant pas perturber par l’état de ses patients ou leurs éventuelles sautes d’humeur. Tout de blanc vêtue, elle porte une jupe droite qui descend jusqu’aux genoux et un gilet serré. J’apprécie sa rigueur, sauf le blanc. Il y a trop de blanc ici, même moi, je suis obligé d’en porter, c’est à devenir fou !

Suivie de son assistante, Mademoiselle Kruger prend place au milieu de nous tous, qui formons un demi cercle de six personnes. Elle tourne sa tête à l’extrême gauche en me dévisageant d’un regard glacial puis continue vers la droite, scrutant les personnes présentes. Je parie qu’elle se réincarnera un jour en aigle. Délicatement, elle sort de son petit sac le fameux carnet de notes destinées à nous évaluer. L’assistante fait de même au même moment. Je pense que ce geste impeccable a été travaillé, répété maintes et maintes fois. Et la séance commence, crispant la plupart des sujets :

- Je constate que deux chaises sont vides, mes séances sont-elles si éprouvantes ? déclare-t-elle.

Personne n’ose prendre la parole, l’un d’eux se met à pleurer. Je reste stoïque, arborant la même posture depuis une vingtaine de minutes, toujours aussi calme. Ses yeux d’aigle en quête d’une proie reviennent se poser sur moi. Je sens que je dois enfin prendre la parole, malgré ma silencieuse carapace, je bouillonne de l’intérieur :

- Je vous admire Mademoiselle, vous m’avez inspiré.

Sans froncer les sourcils, elle griffonne quelques notes sur son calepin puis me fixe avant de poursuivre :

- Je finissais par m’impatienter ! Enfin vous vous mettez à parler ! Une voix si mélodieuse ne devrait pas rester muette. Ne passez pas votre vie à rester enfermé sur vous même et exprimez haut et fort vos idées et vos sentiments. Maintenant que vous êtes disposé à parler, que souhaitez vous faire de votre vie ?

Je me sentis pousser des ailes et depuis bien longtemps, lâchai un sourire sarcastique :

- Je veux refaire le monde !

- C’est ce que nous désirons tous, Monsieur Hitler.

 

 

 

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Photo issue du film " Vol au dessus d'un nid de coucou ".

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